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Europe : ne sortons pas de l’Histoire ! Par Jean-François Copé

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« L’Histoire est de retour », déclarait Donald Tusk en 2014, en accédant à la présidence du Conseil européen. Une déclaration qui semble aujourd’hui particulièrement prophétique, tant l’année 2023 rassemble les conflits d’un siècle passé qu’on croyait révolu. En effet, en l’espace de deux ans, les formes de conflits du XXe siècle ont été réactivées quasiment simultanément. La reprise des guerres interétatiques, avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, rappelle les atermoiements qui ont secoué l’Europe à la fin des années 1930. Parallèlement, la montée des tensions entre la Chine et les Etats-Unis autour de Taïwan en particulier ne sont pas sans faire écho au climat de la guerre froide. Enfin, l’attaque terroriste du Hamas et le conflit avec Israël complètent désormais ce sombre tableau.

A l’heure où un paysage complexe, marqué par l’affirmation de pays autoritaires se dessine, il est urgent pour les Vingt-Sept de réagir. Un enjeu d’autant plus grand pour l’Union européenne que, loin d’être isolés, ces conflits sont profondément interconnectés. L’invasion russe de l’Ukraine, par exemple, a non seulement ravivé la peur d’une agression chinoise contre Taïwan, mais a aussi intensifié les tensions entre la Chine et l’Occident. De la même manière, l’attaque du Hamas offre une fenêtre stratégique à la Russie en détournant l’attention de l’Ukraine. Ces interactions complexes redéfinissent la carte géopolitique et mettent en péril les principes démocratiques et l’équilibre mondial. Face à ces défis, l’Europe peine à formuler une réponse globale et cohérente. Dans le bras de fer qui a opposé les Etats-Unis et la Chine autour de Taïwan, elle est restée muette. Après l’attaque du Hamas, elle est devenue inaudible à force d’annonces et de rétropédalages souvent indignes. Pire, il aura fallu attendre plus d’une semaine après les attaques du 7 octobre pour que les Vingt-Sept « condamn[ent] avec la plus grande fermeté le Hamas et ses attaques terroristes », « insist[ent] fermement sur le droit d’Israël de se défendre conformément au droit humanitaire et international ». Des dissensions profondes et un manque de réactivité qui ont pour conséquence d’affaiblir la crédibilité de l’Union sur la scène internationale.

Oui, l’Histoire est bel et bien de retour. Mais, dans ce même discours de 2014, Donald Tusk complétait son propos par une mise en garde qui semble également tout aussi annonciatrice : « Nous ne pourrons pas affronter cette période tumultueuse sans véritable direction et sans unité politique ». Alors que des régimes autoritaires multiplient les tentatives pour renverser l’équilibre mondial, l’Union européenne, faute d’une vision et d’objectifs clairs, risque de se cantonner au rôle de spectateur impuissant. Il est désormais impératif qu’elle se dote des outils nécessaires pour faire entendre et défendre ses intérêts face à ces bouleversements géopolitiques majeurs. Sur le plan diplomatique, le retour d’un axe franco-allemand est crucial. Il doit être le catalyseur d’une nouvelle étape dans la construction d’une Union capable de se projeter sur la scène internationale. Sur le plan politique, il est urgent de relancer les discussions autour de l’Europe de la défense. Cette initiative doit être accompagnée d’une définition claire et priorisée des intérêts stratégiques de l’Union et d’une politique étrangère commune.

Pour porter pleinement leurs fruits, ces évolutions doivent s’accompagner d’un changement dans la manière de se raconter. En effet, sur le plan symbolique, le récit d’une Europe construite pour la paix ne suffit plus pour refléter les réalités actuelles. Ce nouveau narratif doit bien sûr célébrer l’unité européenne mais aussi reconnaître les défis contemporains. Il doit mettre en avant les valeurs fondamentales qui nous rassemblent mais aussi souligner notre volonté de jouer un rôle actif et déterminant au-delà de nos frontières. Si rien n’est fait, la réaction politique d’une Europe unie face à l’invasion russe de l’Ukraine restera l’exception. Et la suite de l’Histoire s’écrira, qu’elle le veuille ou non, sans elle. Pire, elle se fera à son détriment.

Jean-François Copé est ancien ministre, maire (LR) de Meaux

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