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Français juifs tentés par l’alya : quelle est vraiment l’ampleur du phénomène ?

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« Certains se sont sentis très impuissants et ont voulu partir en Israël pour aider d’une manière ou d’une autre. De mon côté, j’aurais aussi aimé partir, confie Claire*, une jeune femme de 31 ans. Comme je suis enceinte et avec déjà un enfant de 18 mois, je me suis dit que je serais plus un poids qu’autre chose, mais j’y ai pensé. » La réaction peut paraître contre-intuitive : depuis l’attaque menée par le Hamas contre Israël le 7 octobre, de nombreux membres de la communauté juive française se sont renseignés pour faire leur alya – pour « monter » en Israël et s’y établir. Selon les chiffres fournis par le ministère israélien de l’Alya et de l’Intégration, le nombre de dossiers d’alya déposés en France a augmenté de 430 % depuis l’attaque, concernant 1 200 personnes contre 220 l’année précédente.

Ce regain d’intérêt pour l’émigration vers Israël – pourtant en baisse depuis le début de l’année 2023 – est loin des chiffres des années précédentes : en 2015, par exemple, 7 900 personnes ont quitté l’Hexagone pour aller y vivre. Mais il illustre la place centrale qu’occupe Israël dans l’imaginaire de la communauté juive. Malgré la guerre et l’instabilité, en dépit du coût de la vie, aussi, le pays reste pour les Français juifs un refuge. « Comme l’antisémitisme augmente progressivement depuis des années dans le monde, c’est forcément une question que l’on se pose : y a-t-il un avenir pour les juifs en France ? Israël reste le seul pays où dire ‘sale juif’ désigne simplement un juif qui ne se lave pas », estime Claire.

Un parcours différent selon les profils

Comme dans le cas de Claire, cette réflexion ne se traduit toutefois pas toujours dans les actes. « Le chiffre de 430 % relate une augmentation des personnes qui s’intéressent au processus de l’alya. Il ne signifie pas forcément que toutes vont arriver au bout, précise Emmanuel Sion, directeur de l’Agence juive en France, organisme public chargé de l’émigration vers Israël. Le parcours dépend vraiment des profils : une famille va souvent mettre plus de temps à se décider qu’un étudiant, par exemple, parce qu’elle aura plus d’attaches. » De fait, le nombre de personnes ayant effectivement réalisé leur émigration depuis deux mois se compte en dizaines et non en milliers.

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Selon l’historien et essayiste Marc Knobel, 42 « olims » (« immigrants ») français ont été recensés en octobre et 55 en novembre. « Il est encore tôt pour tirer des conclusions sur une tendance, surtout pour un processus comme l’émigration, qui prend souvent plusieurs mois. Le millier avancé par les organismes comme l’Agence juive ne sont que des ouvertures de dossiers, c’est-à-dire des demandes de renseignements, des discussions. Il m’est arrivé moi-même de déposer un dossier, puis d’abandonner », souligne Marc Knobel, qui reprend : « Nous avons cependant suffisamment de recul pour les vingt dernières années : de 2000 à 2022, 68 437 Français sont montés en Israël. C’est un chiffre énorme, pour une communauté d’environ 550 000 personnes. »

La peur d’une montée de l’antisémitisme

Les raisons de ces départs sont multiples. L’angoisse provoquée par les actes antisémites en est une. Après une évolution en dents de scie dans les années 2000, les chiffres de l’alya connaissent une brusque inflexion en 2013, passant à 3 263 personnes, juste après le massacre à l’école juive Ozar-Hatorah de Toulouse perpétré par Mohamed Merah. Ce nombre double dès l’année suivante à 7 200 personnes, avant d’atteindre un pic à 7 500 en 2015, année des attentats contre la rédaction de Charlie Hebdo, du Bataclan et de l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes. « Entre 2014 et 2015, on parlait d’une ‘alya de choc’, clairement liée à la peur des attentats et de l’antisémitisme », explique Itzhak Dahan, docteur en sociologie et auteur de l’étude « Alya des juifs de France en Israël (1968-2014) ».

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La peur d’une montée de l’antisémitisme en France à la suite de l’attaque du 7 octobre peut ainsi expliquer en partie le regain d’intérêt pour l’alya, alors que plus de 1 500 actes antisémites ont été recensés en France un mois après le début de la guerre Israël-Hamas. A la mi-novembre, L’Express relatait ainsi que nombre de Français juifs avaient été contraints de changer leurs habitudes face à cette augmentation, ces dernières allant du changement de nom sur les réseaux sociaux à la disparition des signes religieux dans la rue. « Là encore, ça ne date pas d’hier, remarque Marc Knobel. Dès 2005, Joseph Haïm Sitruk [alors grand rabbin de France] avait conseillé aux gens de faire attention et d’éviter d’arborer les signes religieux comme la kippa à l’extérieur. »

Un coût de la vie élevé

Certaines personnes ont fait le choix d’émigrer pour vivre leur religion plus publiquement, dans un « milieu homogène », comme le décrivaient les chercheurs Jean-Marc Dreyfus et Marc Hecker dans une tribune à Libération en 2014. Le désir d’appartenance au projet national israélien est aussi une des raisons avancées. « Il y a une forte communauté traditionnelle juive en France, venue pour beaucoup d’Afrique du Nord dans les années 1970-1980 », ajoute Itzhak Dahan, qui avance une hypothèse : « Cette dernière démontre un fort attachement à l’Etat d’Israël et les événements du 7 octobre ont pu être un signal d’engagement, notamment aux côtés de l’armée. »

Le frémissement observé depuis le mois d’octobre s’inscrit cependant dans une dynamique clairement en baisse. Entre 2015 et 2016, le nombre de Français juifs émigrés est passé de 7 500 à 5 100. En septembre 2023, l’Agence juive comptait entre janvier et juillet 60 % de nouveaux immigrants français en moins par rapport à la même période l’année précédente. La baisse des actes antisémites dans l’Hexagone jusqu’en octobre et une situation politique délicate en Israël – des manifestations géantes ont eu lieu pour protester contre une réforme judiciaire du gouvernement de Benyamin Netanyahou, vue comme une atteinte à la séparation des pouvoirs – ont dissuadé beaucoup de Français de faire les démarches. En dépit des aides financières fournies par le gouvernement israélien aux immigrés, la situation économique a également joué. « La vie est très chère en Israël, remarque Marc Knobel. Cela a pu en dissuader certains, notamment des personnes âgées qui perçoivent une retraite française. Et ce même si le taux de change du shekel, la monnaie israélienne, a baissé ces derniers mois. » Selon les données publiées par l’OCDE au mois d’août, en 2022, le coût de la vie en Israël était en moyenne 38 % plus élevé que dans les autres pays de l’organisation.

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« A cette barrière financière s’ajoute celle de la langue », poursuit l’historien. Même si un accompagnement à l’immigration est aussi mis en place par le gouvernement israélien, le passage d’un pays à l’autre n’est pas simple. Certaines alyas ne sont d’ailleurs pas définitives. Mais, souvent perçus comme un échec par les individus concernés, les retours en France sont difficiles à dénombrer. Aucune donnée officielle n’existe sur le sujet. « On estime néanmoins que de 10 à 12 % des Français juifs ayant fait leur alya seraient concernés », signale Itzhak Dahan.

* Le prénom a été modifié.

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