Liège-Bastogne-Liège : Comment éviter l’hypothermie à vélo ? « L’erreur que beaucoup font, c’est d’empiler les couches »

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L’usage du poncif est exagéré, mais allons-y pour la blague. Après tout, il n’y a pas mort d’homme : quatre jours après, les images de l’abandon de Mattias Skjelmose sur la Flèche wallonne font toujours froid dans le dos. Le corps du Danois, d’une maigreur ostentatoire, transformé en statue de verre sous l’effet d’une météo infâme, ne répondait plus. Sa température corporelle probablement descendue sous les 35 degrés, c’est donc en tremblant de froid dans les bras d’un membre du staff de son équipe que le leader de la Lidl-Trek a quitté la classique dont il était pourtant le grand favori. Mais Skjelmose est tombé sur plus fort, en l’occurrence un cocktail de pluie, grêle, vent, neige et chute brutale de la température (de 14 à 5 degrés, avec un ressenti à zéro). Assez haut sur l’échelle du châtiment divin.

« Je ne pouvais plus me contrôler, a témoigné le coureur auprès de Global Cycling. Je n’avais pas compris que j’étais en hypothermie sur le vélo, je tremblais. » Le genre de chose qui arrive dans un métier où faire un grand doigt d’honneur à la douleur et exploser ses limites physiologiques sont les clés du succès. « En cyclisme on n’abandonne pas, rappelle l’ancien coureur Pierre Rolland. Ce n’est pas un sport où on bâche, c’est ce qui en fait la beauté. Ce sont des forçats de la route. »

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« Les Skjelmose, Ayuso, ils sont transparents. Le froid passe à travers »

L’exemple de la Flèche wallonne a le mérite de mettre en lumière le caractère extrême du cyclisme et de rappeler que, bien avant les montées, les descentes, les pavés et autres sentiers sinueux, la météo est l’ennemi le plus redouté des coureurs. Ici, c’est la combinaison de deux facteurs – froid et humidité – qui a rendu la vie impossible au peloton. Des conditions climatiques qui rappellent forcément le Giro 2023, auquel a participé François Bidard sous les couleurs de la Cofidis. « Sur les 14 premiers jours, je me rappelle qu’il y en a eu 12 de pluie. C’est vraiment fatigant pour les organismes, notamment au niveau de la récupération. » Et c’est encore pire à mesure que votre masse grasse tend vers zéro, comme le démontre la faillite globale des squelettes du peloton mercredi, qui tournent « sous les 6 % » d’après Bidard.

« « Les Skjelmose, Ayuso, Hirschi, j’ai eu l’occasion de les voir en zone mixte. Ils sont hyper affûtés, transparents. Le froid passe à travers. Ce n’est pas un hasard si les Norvégiens à la peau un peu plus épaisse ont mieux résisté sur la Flèche. » »

Notamment Soren Kragh Andersen, auteur d’un superbe raid solitaire pendant que le leader de Lidl-Trek se faisait porter comme un gosse en train de faire semblant de dormir.

Petit guide vestimentaire par temps froid/humide à vélo

Le gras, c’est la vie, mais il ne fait pas tout. Survivre au froid humide dans le peloton est avant tout affaire de logistique. Le coureur le plus offensif de l’histoire du vélo en sait quelque chose pour s’être pointé sur le Giro 2014 avec une montagne d’équipements anti-froid. « J’ai préparé des vêtements de pluie dans lesquels j’étais à l’aise, des gants de pluie… Ma valise était pleine d’affaires pour le froid et la pluie, j’étais prêt à toute éventualité. »

Encore faut-il utiliser ce matériel à bon escient pendant la course. « Déjà, il faut réussir à se changer sur son vélo, prévient l’ancien de Cofidis. Il faut savoir enfiler un K-way évidemment, mais aussi l’enlever au bon moment. L’erreur que beaucoup font, c’est d’empiler les couches. Mais mettre des vêtements secs sur d’autres mouillés, ça sert à rien. Il faut donc enlever la première couche, et remettre des vêtements secs par-dessus. »

La Flèche wallonne a donné raison aux procéduriers. Ceux qui ont préféré se couvrir quitte à perdre du terrain sur les UAE, dont la grosse accélération sur la première montée du Mur de Huy coïncidait avec la chute de température, ont survécu au cataclysme. Les autres ont fini en stalactites. Et à partir de là, bon courage pour mettre une veste. « Le problème, décrit Rolland, c’est que quand on est mouillé et qu’on a les mains gelées, on ne peut rien faire. Ça m’est déjà arrivé de m’arrêter sur le bas-côté pour me faire rhabiller. »

L’entraide est parfois le dernier rempart des coureurs mis au supplice par les éléments. On vit ensemble, on se les pèle ensemble, bad boys forever. Hein, c’est pas ça ? « On ressent plus de solidarité quand il y a des moments compliqués, confirme l’ancien de Cofidis. Quand on voit un gars en souffrance pour mettre un truc dans sa poche ou enfiler son K-way, on va l’aider même s’il est pas dans notre équipe. L’année dernière, sur le Giro, je me suis retrouvé à prêter un K-Way à Maxime Bouet (Arkéa), c’est normal. Il y a plus d’entraide dans ces circonstances. »

Skjelmose « dans la forme de sa vie » deux jours après ? Mouais

A peine remis du choc thermique de mi-semaine, l’ami Mattias Skjelmose s’est voulu rassurant. Non seulement il participera à Liège-Bastogne-Liège, mais en plus, il jure s’être remis à 100 % de sa mésaventure. « Je peux dire, la main sur le cœur, que je suis dans la meilleure forme de ma vie. Honnêtement, je crois que je peux être là-haut dimanche et me battre pour le podium. » Sachant qu’aux gars qu’il n’a pas pu battre mercredi, il faut ajouter Pogacar et Mathieu van der Poel. C’est au mieux audacieux, au pire déraisonnable.

« Le froid peut parfois rester plusieurs heures dans le corps, a analysé le médecin du sport Kris Van de Mieren au micro de Sporza. C’est une attaque contre les organes qui doivent se régénérer. En fait, on ne sait ce qu’il en est vraiment que plusieurs semaines après l’effort. […] Dans 98 % des cas, les choses s’arrangent au bout de quelques semaines. Mais on ne le sait pas tout de suite et il n’y a jamais de certitude absolue. Ce n’est pas toujours inoffensif. »

Pierre Rolland partage la prudence du médecin et va même plus loin. « S’il fait mauvais, son corps réagira encore plus vite que d’habitude, se crisper et se mettre en mode défensif. Le corps à une mémoire. S’il fait mauvais, il ne sera pas avec les meilleurs dans le final. » Le temps annoncé ce dimanche sera frais : 10 degrés à tout casser du côté de Liège, avec quelques averses et un fort vent de nord-est. Pas de pression ceci dit : pour faire mieux que mercredi, le Danois aura qu’à ne pas terminer dans les bras de son directeur sportif.

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