Peinture, musique, photos… Neuf livres d’exception pour Noël

PAR STÉPHANE LAMBERT. GALLIMARD, 224 P., 42 €.

Dans une lettre de janvier 1955, deux mois avant son suicide à l’âge de 40 ans, Nicolas de Staël résumait le crédo de son parcours pictural : « Fonctionner toujours différemment d’une chose à l’autre, sans esthétique a priori… Ce qui importe c’est que ce soit juste ». Partant de cette synthèse, Stéphane Lambert retrace le cheminement d’un peintre solitaire, tour à tour torturé et lumineux, dont les toiles fragmentées aux aplats éclatants peinent à rentrer dans une case de l’histoire de l’art. A ce récit détaillé s’ajoutent une centaine de peintures reproduites et commentées période par période. A dévorer en complément de la rétrospective du Musée d’Art moderne de Paris, jusqu’au 21 janvier.

PAR JULIETTE BENHAMOU. FLAMMARION, 208 P., 35 €.

Il s’en est passé des choses à l’hôtel Drouot, la vénérable maison de négoce de tableaux, épicentre de la vie artistique du XIXe siècle à la Seconde Guerre mondiale. L’hypermodernité de Degas révélée aux enchères après sa mort, le coup de foudre des détestables frères Goncourt pour les bibelots japonais, « La peau de l’ours » du financier André Level, qui signa les débuts de la spéculation dans l’art moderne… Juliette Benhamou nous livre dix récits palpitants, parfois cyniques, souvent drôles, qui éclairent l’histoire de l’art sous un angle inattendu. Réjouissant !

PAR AGNÈS SANDRAS. PERRIN/BNF, 240 P., 25 €.

Poésie, théâtre, littérature, dessin, politique… L’auteur des Misérables embrassa ces disciplines avec la même ferveur, livrant à travers elles une vaste chronique de son temps. L’historienne Agnès Sandras retrace ces vies multiples dans un livre dense, avec l’appui de la Bibliothèque nationale de France, qui lui a ouvert les portes de son colossal fonds Hugo, dont certaines archives reproduites ici sont inédites. Manuscrits, brouillons, lettres d’amour, notes intimes, portraits photographiques, esquisses de la main du maître constituent ainsi une iconographie spectaculaire qui restitue « l’homme océan » dans toute sa richesse.

PAR JEAN-LOUP & PATRICE NOTTEGHEM ET PHILIPPE DUBOIS, www.levangileselonstyan.com, 416 P., 44 €.

Dès 1948, rejoints l’été par leur cousin Philippe Dubois, Jean-Loup et Patrice Notteghem ont grandi à l’ombre du nouveau Centre national de vol à moteur de Saint-Yan, en Saône-et-Loire, que leur père, Louis Notteghem, dirigeait. Ce pionnier de l’aviation légère fit de son école un site majeur de l’apprentissage du pilotage avec sa méthode baptisée Evangile de Saint-Yan par la presse de l’époque et qui se vit bientôt appliquée dans la totalité des aéro-clubs. Les trois cousins retracent cette formidable saga dans un ouvrage XXL, Grand Prix littéraire de l’Aéro-Club de France 2023, qui fourmille d’archives, de témoignages, de photographies et de documents techniques. Une somme qui passionnera autant les amateurs éclairés que les curieux.

SOUS LA DIR. DE JULIEN ROUSSEAU ET HÉLÈNE KESSOUS. KAPH, 176 P., 40 €.

C’est l’histoire, fascinante, du cinéma indien, depuis ses origines à la fin du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui, que nous raconte ce livre riche en illustrations. Au-delà du succès planétaire de Bollywood et de ses dieux de l’écran, l‘ouvrage, qui accompagne l’exposition visible au Quai Branly jusqu’au 14 janvier, décortique la longue tradition de fabrication d’images en Inde et l’industrie du film dans le sous-continent, aujourd’hui la plus importante au monde. Une balade haute en couleur !

PAR LILIANE ET CHRISTELLE TÉA. PREMIER PARRALÈLE, 192 P., 32 €.

La petite Christelle Téa a réalisé ses premiers gribouillages dans le restaurant asiatique de ses parents, Au Bonheur, où elle passait chaque jour de longues heures après la classe. Devenue une jeune artiste reconnue pour les dessins délicats qu’elle réalise à main levée, sans ébauche ni repentir, elle illustre aujourd’hui les recettes de cuisine de sa mère Liliane, originaire du Cambodge, héritage d’un savoir-faire familial et traditionnel. Un petit bijou aux saveurs de phô et de lôc lac qui mixe délicieusement art et fourneaux.

PAR AMBRE GAUTHIER. HAZAN, 240 P., 60 €.

« Tout parle en mon ouvrage, et même les poissons », disait l’auteur des Fables. Tout se peint aussi, songeait Ambroise Vollard quand, en 1926, il confia à Marc Chagall l’illustration du célèbre recueil de La Fontaine, récoltant au passage les critiques virulentes de ceux qui fustigeaient l’association entre le peintre russe d’origine juive et ce chef-d’œuvre de la langue française. Peine perdue, Chagall releva le défi avec brio, finesse et éclat, comme nous le montre cette édition grand format, où les textes allégoriques du brillant moraliste voisinent avec une soixantaine de gouaches, accompagnées pour la première fois de leurs gravures.

MŒBIUS PRODUCTION, 176 P., 47 €.

Premier Artbook de la collection Le Petit Panthéon Moebius, voici un ouvrage fouillé consacré à Arzak, figure phare de l’univers mœbiusien. De son guerrier solitaire au regard acéré, l’auteur de bande dessinée Jean Giraud, alias Mœbius, disait qu’il « fut une sorte de passage à l’acte, une plongée dans des mondes étranges, au-delà du visible ». On le retrouve ici sous toutes ses facettes, des premières parutions dans Métal Hurlant aux représentations oniriques qui suivirent, évoluant au fil des mutations graphiques de son créateur. De quoi ravir les fans.

PAR MATHIEU PERSAN. HACHETTE, 320 P., 60 €.

Des phénomènes de société aux sciences, en passant par la politique, l’art de vivre ou la musique – sa passion de toujours –, Mathieu Persan livre son regard sur notre époque avec près de 400 illustrations puisées dans l’abondante production du jeune quadra que la presse, le monde de l’édition et même les stars de la sphère musicale (Benjamin Biolay, Norah Jones) s’arrachent depuis dix ans. Rien de mieux que cet opus engagé pour (re) découvrir le style rétro et raffiné de ce petit génie du graphisme, qui puise son inspiration chez les grands affichistes de l’entre-deux-guerres.