« Comedy Class » : « Si ça se trouve, on a gardé des humoristes qui ne feront pas rire », préviennent Eric et Ramzy

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«C’est un « The Voice » de la comédie », nous glisse Eric Judor au sujet de « Comedy Class ». Comme dans le télécrochet de TF1, le jury du talent show lancé ce vendredi sur Prime Video, prend place sur un fauteuil pour évaluer les candidats mais ce qui compte ici, ce n’est pas de chanter juste mais d’enchaîner les vannes qui font mouche. Eric Judor et Ramzy Bédia en sont les animateurs et jurés principaux. Une fois les premières sélections effectuées en France et en Belgique, ils sont rejoints le temps d’un épisode par d’autres stars de l’humour (Florence Foresti, Jérôme Niel, Marina Foïs…). Si l’objectif pour les participants est d’empocher les 50.000 euros promis au gagnant, l’émission permet au public de découvrir des jeunes talents de l’humour aux styles variés. Pistache sur le gâteau : Eric et Ramzy se laissent aller aux improvisations hilarantes dans chaque épisode.

Juger l’humour, c’est une tâche facile ou pas ?

Eric : Pas.

Ramzy : On n’a pas jugé. Juger l’humour, ça voudrait dire donner un avis tranché à la fin.

E. : Quand même, on jugeait puisqu’on en éliminait. C’est un moment horrible et d’ailleurs, quand on devait dégager quelqu’un, on voulait toujours que ce soit l’autre qui le fasse. L’humour, c’est subjectif. Il y a des gens qu’on a éliminés et qui, si ça se trouve, vont faire rire la moitié de la France. Et d’autres qu’on a gardé qui ne feront pas rire. C’est notre sensibilité comique qui décidait.

Vous aviez un objectif ?

E. : On s’était dit un noir, un arabe, un juif. Ça c’était sûr. Et une femme. Et un homo.

R. : Et un handicapé.

E. : Et un gros. C’est tout. (rires)

R. : Il n’y avait pas d’objectif. On voulait trouver la personne la plus drôle possible.

Et qui pourrait être la plus grand public, toucher le plus grand nombre ?

E. et R : Non !

E. : Pas du tout. D’ailleurs, dans les deux finalistes, à la toute fin, il y a vraiment une personne qui n’est pas du tout grand public. On l’a ramené jusque-là juste parce qu’il nous faisait rire nous.

R. : Bien sûr, il y a un gagnant, mais tous les finalistes sont les gagnants.

Les candidats et candidates ont déjà une certaine expérience de la scène, ont des comptes Instagram très actifs. Y en a-t-il que vous aviez déjà repéré ?

E. : Oui, moi j’avais vu Eliott Doyle, Adel Fugazi…

R. : On les as vus à la première émission et on savait qu’ils iraient plus loin. C’est évident, l’humour, il suffit de voir les gens éclater de rire.

E. : C’est vrai qu’il y avait notre jugement à nous mais on faisait ça en public, aussi, donc cette réaction ne pouvait pas se forcer. C’était imparable.

Qu’est-ce qui est rédhibitoire dans le stand up ?

E. : Rien. Un des artistes en finale a fait quelque chose de complètement fou, avec un costume, des trucs, n’importe quoi… Pour moi, ça aurait pu être rédhibitoire, mais j’étais mort de rire.

R. : On a eu un candidat qui faisait Nicolas Sarkozy. On l’a pris. C’était un humoriste un peu à l’ancienne qui faisait des imitations, très classiques. Normalement, c’est rédhibitoire, mais on l’a gardé parce qu’il était marrant.

Dans chaque épisode, on vous voit partir en improvisation dans des séquences plus ou moins longues. C’est parti très loin ?

E. : Oui et ça a été condensé. Je pense que dans les rushes il y a quatre fois plus de matériel.

R. : On pourrait faire une émission que de nous en balade en France.

E. : C’était un problème. On a regardé le premier montage et on s’est dit : « Mais, on est où ? » Ils avaient formaté ça un peu comme « The Voice », on était montrés comme juges mais ils oubliaient la crème chantilly qu’on avait ajoutée alors ils ont été très gentils et ils nous l’ont remise.

Vous auriez fait « Comedy Class » si le concept avait existé à vos débuts ?

R. : On aurait foncé !

E. : Forcément, parce qu’il n’y avait pas beaucoup d’endroits où on pouvait aller : au Trévise…

R. : Et frapper à la porte des trois producteurs qui existaient. On envoyait des K7 vidéos de nos sketchs à Didier Gustin.

C’est vrai ? Il vous a répondu quoi ?

E. : Pour nous, c’était une méga-star. On l’avait rencontré et il était très cool, très sympa.

R. : Je ne sais plus ce qu’il s’est passé, mais j’ai un bon souvenir de ce garçon.

Se produire devant Eric et Ramzy, ça a conditionné les candidats ?

E. : Il y a eu une épreuve, qui a été finalement entièrement coupée au montage, où il fallait nous surprendre. Je pense qu’ils se sont dit que, pour ça, il fallait faire n’importe quoi.

R. : Et ils ont fait n’importe quoi.

E. : Donc, c’était une très mauvaise idée de thème.

R. : Avec seulement deux heures d’écriture avant, les pauvres.

En quoi l’émission reflète-t-elle le stand-up français actuel ?

E. : Quand on voit où certains en sont en seulement un an ou deux de carrière, c’est fou. Ils ont tous une culture de la scène bien meilleure que la nôtre à l’époque.

R. : Nous, quand on est arrivés, on découvrait, on tâtonnait, on cherchait. Eux, ils ont déjà tous les codes, ils savent par où passer, comment faire.

E. : Il n’y en a aucun qui s’est véritablement planté. Pas un ne s’est mis à bafouiller ou à transpirer. Nous, on l’a fait pour une audition au Carré Blanc à l’époque. On s’est arrêté en plein sketch et on a demandé à recommencer. Là, ce n’est arrivé à personne : tout le monde est méga pro.

D’ailleurs, celles et ceux qui ne sont pas retenus, ne donnent pas l’impression de vivre leur élimination comme un couperet dramatique…

E. : On n’espère pas, parce que si on a provoqué ce traumatisme-là, ce serait horrible. On sait à quel point un artiste est vulnérable à ce moment-là de sa carrière.

R. : A notre époque, quand on se plantait dans une audition, ça te mettait un coup de massue parce que c’était terminé. Là, tu rates « Comedy Class » aujourd’hui, après-demain, tu fais deux vidéos sur Insta et tu t’en sors. On essayait de les mettre à l’aise, de les détendre. Cela devait être impressionnant de jouer devant Eric. Je sais que les gens se disent waow…

E. : J’ai fait Les Dalton, c’est vrai.

Cette génération vous connaît d’ailleurs plus à travers…

(il coupe) E. : Les films de merde ?

Ou les séries, que par le stand-up…

E. : Ils ne nous connaissent pas du tout dans le stand-up parce que la dernière fois qu’on est monté sur scène, c’était en…

R. : 2005.

E. : 2005 ! ? Ah ouais !

R. : J’ai l’affiche dans mes toilettes.

E. : Oh putain, ça fait presque vingt ans !

Ça ne vous démange pas de remonter sur scène pour marquer le coup ?

E. : Quand on participe à des avant-premières, j’adore faire marrer dans les salles de cinoche. Ça commence à nous démanger. Puis là, remonter un peu sur scène pour l’émission pour ambiancer les gens, ça nous a donné envie. Regardez son visage comme il a envie. [Ramzy affiche une mine impassible].

Ce n’est pas votre priorité, Ramzy ?

R. : [Son visage change d’expression] Je lâche tout pour remonter sur scène avec Eric demain !

Vous pensez que vous auriez autant de liberté qu’il y a vingt ou vingt-cinq ans ?

E. : On ne se poserait pas la question lors de l’écriture, mais c’est certainement pendant les premières de rodage qu’on viendrait nous voir pour nous dire : « Dis donc, le truc sur les noirs, sur les gros, sur les homos, ce serait cool de l’enlever… »

R. : « Il faudrait enlever les trois quarts du spectacle ». (Ils rient).

Dans « Comedy Class », on voit qu’il est possible de rire de ces sujets-là sans être problématique…

E. : C’est ce qu’on verra au moment de la diffusion. Pour le moment, on ne sait pas. En tout cas, on a gardé au montage ce qui nous faisait marrer.

Vous pensez qu’il peut y avoir des réactions hostiles sur certaines vannes ?

E. : Aujourd’hui, les polémiques viennent d’une phrase, d’un regard…

Ces jeunes talents vous ont-ils appris quelque chose ?

E. : Rien du tout ! (rires) Si : l’audace. Ils n’ont pas froid aux yeux.

R. : Nous, jamais on aura de l’audace, parce qu’on est conscients de nos faiblesses.

E. : On a trop le sens du ridicule, parfois, ça nous gêne, ça nous bloque et on transpire. Eux, ils s’en foutent. S’ils ne sont pas pris dans « Comedy Class », ils font une vidéo sur Insta, une sur TikTok, comme disait Ramzy et ce sont des stars mondiales. Il y a un truc très apaisé chez eux. On prenait peut-être ce métier d’une manière trop sérieuse au début. Je dis ça, tu revois deux images de l’époque, ça ne colle pas tellement à ce discours (rires). Mais quand même, j’ai l’impression qu’on était moins audacieux que les jeunes. Eux, ils s’en battent les couilles. Même quand ils foirent un passage. Nous, on pouvait être détruits. Notre première télé, c’était chez Drucker. On fait un passage lamentable : personne ne rit. C’est nul ce qu’on fait. On sort de ça et Ramzy et moi on se regarde et on se dit : « En fait, on n’est pas fait pour ce métier ». On est rentré déprimés, en disant à nos meufs : on arrête, ce n’est pas pour nous. Eux, ils enchaînent. Il y a un truc inconscient que je trouve très cool.

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