Elections européennes 2024 : On a revu le discours de Macron à la Sorbonne en 2017 (et voilà ce qu’il disait)

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Même si l’Elysée s’en défend, Emmanuel Macron va clairement entrer dans l’arène des élections européennes ce jeudi matin, avec un nouveau discours de la Sorbonne sur l’Europe. Nouveau ? Oui, car il arrive sept ans après le premier, en septembre 2017. Pour se préparer – et vous préparer –, 20 Minutes a revu ce discours. Retour donc dans un autre monde, avant le Covid-19 et la guerre en Ukraine. Un temps où Emmanuel Macron n’avait pas 40 ans, pas les tempes grisonnantes, et où le « en même temps » semblait encore avoir une certaine matérialité politique.

Le 26 septembre 2017, Emmanuel Macron n’est président que depuis quatre mois. Il a déjà fait de l’Europe, depuis le début de sa campagne présidentielle, une de ses marques de fabrique. « Le temps où la France prétendait décider pour l’Europe a pu exister…, dit le nouveau président en souriant. Ce n’est pas ce que je souhaite faire. Mais le temps où le France propose pour avancer avec l’Europe et tous les Européens qui le souhaitent, ce temps-là, est revenu. »

Un alignement des planètes

Emmanuel Macron pense que c’est le bon moment pour avoir « une initiative » : pour la première fois depuis longtemps, France et Allemagne, considérés comme les moteurs de l’Union européenne, ont tenu leurs élections la même année. Paris et Berlin ont donc théoriquement du temps pour avancer de concert, sans campagne électorale décisive en vue. Angela Merkel a bien gagné les élections législatives deux jours plus tôt. Mais les négociations pour former une coalition de gouvernement seront extrêmement chaotiques et prendront des mois. Au point que la chancelière a longtemps laissé en « vu » le discours de la Sorbonne.

Mais au-delà d’Angela Merkel, ce 26 septembre 2017, Emmanuel Macron veut faire infuser de nouvelles idées pour influencer le futur agenda stratégique de l’UE pour les années 2019-2024. 2024 est un horizon qui revient d’ailleurs régulièrement dans le discours, et ce n’est pas pour rien qu’un acte II arrive ce jeudi : il s’agit cette fois d’influer sur le projet d’agenda stratégique de l’UE pour les années 2024-2029. Au final, il y a quoi, dans ce long discours de 2017 d’une heure et trente-huit minutes ? Beaucoup de choses !

Six clés

Un peu plus d’un an après le référendum sur le Brexit au Royaume-Uni – et deux ans avant sa mise en application –, le président de la République fait d’abord le constat que les proeuropéens ont « créé les conditions » de la victoire des populistes, et notamment du Brexit. Car « nous avons oublié de défendre, de proposer pour l’Europe. Parce que nous avons laissé s’installer le doute ». Pour autant, il reconnaît, dans des mots très forts, que « l’Europe que nous connaissons est trop lente, trop faible, trop inefficace ». Alors il propose la construction d’une « souveraineté européenne ». Et pour construire une « Europe forte dans le monde tel qu’il va », Emmanuel Macron donne six clés.

D’abord, il parle de sécurité : neuf mois après l’entrée en fonction de Donald Trump aux Etats-Unis l’UE doit prendre conscience du « désengagement progressif et inéluctable » des Américains en Europe. Contre cela, contre le terrorisme, le président veut « créer un espace de justice et de sécurité commun ». Deuxièmement, les frontières européennes et l’immigration : « Ce n’est pas une crise, c’est un défi qui durera pour longtemps. » Ici, Emmanuel Macron décrit assez largement ce qui deviendra le pacte « asile et immigration » votée justement la semaine dernière par le Parlement européen.

Visionnaire

En lien, la troisième clé évoque un partenariat avec l’Afrique, puisque pour le président français, « seule la stabilisation et le développement des pays d’origine tariront » les flux migratoires. Macron propose même, dans des accents qui paraissent sept ans plus tard exotiques, une taxe sur les transactions financières au niveau européen pour la verser intégralement à l’aide au développement. Ça, pour le coup, on en a moins entendu parler par la suite.

La quatrième clé pose la question de la transition écologique : Emmanuel Macron y parle déjà, entre autres, de souveraineté alimentaire et de réforme de la PAC. Sept ans plus tard, on est encore les deux pieds dedans.

Cinquième clé : le numérique. On attend encore les champions européens en la matière, mais le chef de l’Etat parle bien de la lutte pour les droits d’auteur et les droits voisins qui devraient être payés par les géants européens. Une bataille qui sera gagnée deux ans plus tard. Sixième clé enfin, la puissance économique et monétaire, avec un budget européen alimenté par un impôt sur les sociétés progressivement harmonisé.

Marottes

On retrouve aussi, dès ce début de mandat, des éléments qui seront par la suite des marottes du chef de l’Etat : Emmanuel Macron propose la mise en place d’un « vaste débat » de six mois pour « nourrir notre feuille de route pour l’Europe de demain ». Il appelle même cela « une convention démocratique ». Pas très loin du « grand débat », des « conventions citoyennes », des réponses présidentielles à la crise des « gilets jaunes » en France.

Sept ans plus tard, le discours impressionne toujours beaucoup par son ambition. Il fourmille de propositions, parfois très précises, parfois même avec des horizons très proches… Emmanuel Macron peut se le permettre en tant que président français, car il n’a qu’un Parlement faible en face de lui, contrairement aux partenaires européens forcés aux compromis. Dans ce contexte, le discours de la Sorbonne brille et fait contraste sur le continent.

Habileté

Et si tout ce qui est évoqué n’a pas été fait, ou même seulement mis sur les rails, il serait malhonnête de considérer qu’il s’agit forcément d’échecs. Dans ce discours, Emmanuel Macron avance – parfois avec une modestie qui étonne – des propositions pour une « Europe puissance », dans laquelle il s’agit de piocher. Le président a au moins eu ce mérite.

Mais en faisant le bilan sept ans plus tard, l’Elysée a vite fait de s’attribuer tous les mérites des avancées réelles de l’UE depuis 2017 : sur l’emprunt commun au moment du Covid-19, sur la réponse commune à la guerre en Ukraine… Est-ce Emmanuel Macron qui a convaincu ses partenaires de « l’Europe puissance » ? Ou est-ce que ce sont les crises qui, comme d’habitude, ont changé l’Europe ? Le président français a été habile, mais bien aidé par les circonstances.

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