Le cerf-volant résistera-t-il au changement climatique ?

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«J’ai cassé trois cerfs-volants dans l’hiver, c’est la première fois que ça m’arrive… » Dominique, cerf-voliste installé en Gironde, est catastrophé. Depuis trente-cinq ans qu’il pratique le cerf-volant, jamais il n’avait connu un hiver, période propice à l’entraînement, aussi mauvais pour la pratique de son sport. « Les vents sont de plus en plus irréguliers et violents. Et puis il y a l’érosion des côtes. Certaines plages où j’ai fait mes débuts n’existent plus. Comme notre passion dépend de la météo, on est en première ligne pour constater le dérèglement climatique… »

Alors que les cerfs-volistes se sont donné rendez-vous à Berck-sur-Mer, jusqu’au 28 avril, pour les Rencontres internationales de cerfs-volants, la « saison » a été ouverte au début du mois, à Châtelaillon-Plage, non loin de La Rochelle. Là-bas, le sujet du climat a animé les débats après que le festival a annoncé la fin des baptêmes en hélicoptère, moment fort de l’événement. « Nos animations doivent être de plus en plus vertueuses. L’hélicoptère ne rentrait plus dans ce cadre », estime le maire de la ville Stéphane Villain. Une décision écolo qui a suscité le débat : le cerf-volant doit-il être à la pointe de l’écologie ?

Le climat et l’introspection

« Je ne sais pas si les cerfs-volistes sont particulièrement écolos mais c’est vrai que la question du climat revient souvent entre nous, explique Nadine, autre cerf-voliste amateur croisée à Châtelaillon. Certains sont aussi venus à la pratique du cerf-volant parce que c’est une activité nature, proche des éléments, et très peu polluante. »

Du côté de Berck-sur-mer, Roger Tessa-Gambassi, directeur artistique des Rencontres, constate lui aussi que la question du climat est devenue centrale pour les cerfs-volistes : « Faire du cerf-volant, c’est presque gratuit, c’est comme aller à la plage, c’est une activité lors de laquelle on vole par procuration. Forcément ça invite à la réflexion, l’introspection… »

Petit vent vaut mieux que gros temps

Mais le cerf-volant est-il vraiment menacé par le dérèglement climatique ? Pas si sûr. D’abord parce que les experts du climat ne sont pas tous d’accord pour imputer au dérèglement climatique la multiplication récente des épisodes venteux. Et surtout parce que le vent, c’est la base de tout en cerf-volant.

« La pratique sportive et compétitive est peu impactée, souffle Richard Debray, cerf-voliste professionnel. J’habite en Loire-Atlantique, à 200 mètres de la mer, c’est très venteux mais on a des cerfs-volants qui permettent de voler jusqu’à 30 nœuds de vent. L’érosion des plages, on ne le voit pas encore chez nous, même si Pornic a été inondé cet hiver… On est axés sur le côté spectacle et sport, le vent c’est notre moteur, on va s’adapter à lui. On peut même voler avec un vent à zéro, avec des cerfs-volants très légers. »

Pas de polémique

Roger Tessa-Gambassi est sur la même longueur d’onde. Si le cerf-voliste moyen parle de météo, ce ne sera pas forcément pour parler climat. « On parle beaucoup de ces questions-là entre nous pour des raisons pratiques. En compétition il y a souvent une limite haute de vent : quand ça devient dangereux on arrête. Et avec l’érosion il y a des régions qui ont beaucoup perdu d’espaces. Mais moi, pendant des années, je suis allé faire du cerf-volant tous les jours sans regarder la météo, et alors que la Tramontane est un très mauvais vent. Peut-être que ce ne sera plus possible à l’avenir… »

Surtout, la question du dérèglement climatique ne colle pas forcément avec l’état d’esprit convivial et fédérateur qu’essaye de se donner le monde du cerf-volant. « Personne ne sait vraiment qui a inventé le cerf-volant mais il s’est développé en Californie dans les années 1980 avec toute une philosophie new age, raconte Richard Debray. Et encore aujourd’hui c’est une pratique dans l’air du temps, complètement nature. Tout le monde aime le cerf-volant, tout le monde trouve ça bien. Personne ne critique cette pratique. On est en rapport avec les éléments, on maîtrise l’invisible. Et même si ma pratique est sportive et très technique, ça reste un loisir de plage. Tout ça fait que les cerfs-volistes ne se posent pas trop de questions de société. C’est un loisir et un sport fédérateur, pas polémique. »

Voler (en cerf-volant) vers l’avenir

Pour autant, les questions d’écologie animent souvent la communauté de cerfs-volistes qui se flatte, par exemple, de servir d’expérimentations pour des énergies renouvelables. « De plus en plus de cargos et de tankers ont des cerfs-volants à super-voiles comme aide à la propulsion, se félicite Richard Debray. Le vent est un formidable moteur. »

« On a des éoliennes à cerf-volant conçues par des cerfs-volistes, raconte Roger Tessa-Gambassi. Et il y a de plus en plus de bateaux qui ont des voiles d’appoint inspirées des grands cerfs-volants. La technicité de notre pratique permet de mieux exploiter le vent. »

Quant à faire voler des hélicoptères avec des cerfs-volants, on cherche encore.

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